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Toujours quand aux matins obscènes
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Entre les jambes de la Seine
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Comme une noyée aux yeux fous
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De la brume de vos poèmes
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L'Ile Saint-Louis se lève blême
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Baudelaire je pense à vous
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Lorsque j'appris à voir les choses
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O lenteur des métamorphoses
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C'est votre Paris que je vis
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Il fallait pour que Paris change
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Comme bleuissent les oranges
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Toute la longueur de ma vie
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Mais pour courir ses aventures
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La ville a jeté sa ceinture
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De murs d'herbe verte et de vent
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Elle a fardé son paysage
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Comme une fille son visage
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Pour séduire un nouvel amant
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Rien n'est plus à la même place
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Et l'eau des fontaines Wallace
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Pleure après le marchand d'oublies
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Qui criait le Plaisir Mesdames
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Quand les pianos faisaient des gammes
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Dans les salons à panoplies
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Où sont les grandes tapissières
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Les mirlitons dans la poussière
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Où sont les noces en chansons
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Où sont les mules de Réjane
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On ne s'en va plus à dos d'âne
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Dîner dans l'herbe à Robinson
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Qu'est-ce que cela peut te faire
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On ne choisit pas son enfer
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En arrière à quoi bon chercher
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Qu'autrefois sans toi se consume
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C'est ici que ton sort s'allume
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On ne choisit pas son bûcher
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A tes pas les nuages bougent
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Va-t'en dans la rue à l'oeil rouge
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Le monde saigne devant toi
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Tu marches dans un jour barbare
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Le temps présent brûle aux Snack-bars
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Son aube pourpre est sur les toits
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Au diable la beauté lunaire
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Et les ténèbres millénaires
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Plein feu dans les Champs-Elysées
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Voici le nouveau carnaval
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Où l'électricité ravale
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Les édifices embrasés
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Plein feu sur l'homme et sur la femme
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Sur le Louvre et sur Notre-Dame
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Du Sacré-Coeur au Panthéon
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Plein feu de la Concorde aux Ternes
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Plein feu sur l'univers moderne
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Plein feu sur notre âme au néon
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Plein feu sur la noirceur des songes
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Plein feu sur les arts du mensonge
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Flambe perpétuel été
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Flambe de notre flamme humaine
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Et que partout nos mains ramènent
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Le soleil de la vérité
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Les feux de Paris
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Jean Ferrat |